En quoi l’inconscient joue–t-il un rôle dans le choix du prénom pour enfant ?
Constance Lanxade : A partir du moment où les parents choisissent un prénom, l’inconscient fait son œuvre. Au-delà de la simple attirance envers un prénom (choisi pour sa sonorité ou son originalité), se cache un attrait beaucoup plus profond pour ce dernier. Tout un imaginaire vient s’y loger, ainsi que les désirs inconscients des parents. Aussi, la première question que je pose à mes patients en consultation est : « Qui a choisi votre prénom et pourquoi ? » Cela permet notamment de comprendre les motivations inconscientes du parent qui est derrière le prénom et de dénouer les non-dits. Certains parents vont ainsi donner à leur enfant, sans le savoir, le prénom d’un membre lointain décédé. Ce choix, purement inconscient, vient restaurer une histoire familiale fragilisée et l’enfant sera à charge de restaurer ce lien tout au long de sa vie.
Dans le cas où les parents choisissent un prénom pour son étymologie, quel est l’impact pour l’enfant à naître ?
Constance Lanxade : L’étymologie du prénom a toute son importance : si le prénom choisi pour l’enfant signifie « paix » ou « lumière », il faut essayer de comprendre en quoi la famille est en quête de « lumière » ou de « paix »… L’enfant à naître viendrait-il combler un manque ? Dans le choix d’un prénom, on demande à l’enfant d’être le porte-étendard de valeurs qui font potentiellement défaut à la famille, mais aussi de ce que l’on espère pour lui. Si cela prend les traits d’un cadeau pour l’enfant, il faut néanmoins être vigilant sur le poids que représentent ces valeurs. Il faut que la signification du prénom soit au service de l'enfant tout au long de sa vie et non pas à celui de ses parents.
Ainsi, loin d’être un choix « léger », le prénom reflète un jeu de projection très fort des parents sur l’enfant.
Quels sont vos conseils pour bien choisir le prénom de son futur bébé ?
Constance Lanxade : Il faut tout d’abord essayer de faire le deuil de l’enfant imaginaire pour faire place à l’enfant réel. Le choix du prénom de l’enfant se place du côté de l’imaginaire, de l’idéalisation, de toutes les choses qu’on rêve pour l’enfant… Mais rarement de ce qu’il est et sera vraiment au cours de sa vie. Aussi, au moment de choisir, voici ce que je conseille aux parents :
- Se laisser des portes ouvertes : ne pas forcément se fixer sur un prénom mais en sélectionner plusieurs pour laisser l’enfant « choisir » le sien à la naissance. Très souvent, quand l’enfant naît, les parents changent d’avis sur le prénom en découvrant le visage de leur petit. L’enfant réel prend donc le pas sur l'enfant idéal et commence ainsi à se différencier des projections que l’on place en lui.
- "Interroger" le bébé . Pourquoi ne pas se laisser tenter par l’haptonomie pendant la grossesse et proposer au futur bébé les prénoms envisagés pour lui en entrant à son contact via des massages ? Les vibrations du fœtus donnent souvent une indication.
- Être attentif à ses rêves : nombreuses sont les femmes enceintes qui affirment s’être fixées sur un prénom car elles en ont rêvé. C’est une bonne chose car l’enfant in utero participe à ce rêve.
- Déculpabiliser si l’on se rend compte plus tard que le prénom choisi est celui d’un ancêtre qui a eu un destin tragique. Il faudra simplement l’expliquer à l’enfant quand il sera plus grand en le rassurant sur le fait que c’est lui qui est à l’origine de son propre destin et que son histoire lui appartient pleinement.
Quelles sont les erreurs à éviter ?
- Ne pas laisser la fratrie choisir le prénom de l’enfant, car c’est un choix qui appartient à la mère et au père et marque leur investissement dans leur parentalité.
- Ne pas donner à son enfant le prénom de celui qui n’a pas survécu lors d’une précédente grossesse. Cela peut être désastreux pour sa construction psychique.
- Éviter de donner le prénom d’un aïeul décédé à son enfant pour éviter les comparaisons négatives, surtout si l'ancêtre en question est mort tragiquement.
- Éviter de donner des prénoms en liste. Nommer une fratrie avec des prénoms commençant par la même lettre peut avoir une double conséquence : souder les frères et sœurs ou bien engendrer des relations trop fusionnelles dont les enfants auront du mal à se défaire.