C’est une histoire de lien. Le lien que Laurence Pernoud noua avec son mari et ses enfants. Mais aussi celui qu’elle construisit avec ses lectrices. Rien ne la prédestinait à devenir la référence de la grossesse et du parenting. Laurence Secretan naît le 13 octobre 1918, à Lausanne, d’un père suisse et d’une mère grecque. Après des études d’anglais et de droit, elle part pour les Etats-Unis et travaille à l’United-Press à New York. Elle rencontre Georges Pernoud, rédacteur en chef de Paris-Match et l’épouse en 1953.
Rassembler les informations essentielles autour de la grossesse...
Lorsqu’elle attend son premier enfant, Jérôme, Laurence qui a pris le nom de son mari, Pernoud, cherche sans succès un livre qui réponde à ses questions. Elle décide de l’écrire, ce qui se révèle une entreprise ardue, n’étant pas médecin. J’attends un enfant paraît en1956 aux éditions Pierre Horay et le succès est immédiat.
…puis autour de l’éducation des enfants
Avec J’élève mon enfant, qui paraît en 1965, peu après la naissance de son second enfant Emmanuel, Laurence Pernoud franchit un pas supplémentaire : elle décide d’écrire une véritable encyclopédie du petit enfant. Ceci pour aider les parents pendant les nombreuses étapes qui accompagnent la croissance et l’éducation de leur enfant. Dans ce livre, Laurence Pernoud confirme sa place de mère qui se met à la place de ses lectrices et souhaite partager avec elles ses ressentis et ses expériences. L’empathie et la bienveillance mises au cœur de l’information : c’est là que Laurence Pernoud apporte sa différence. Comme elle a coutume de le rappeler : "Je suis une affective". Donner des conseils ne peut, selon elle, se dissocier d'un engagement personnel. Un engagement exigeant, qui lui impose une rigueur quant à la fiabilité de ses contenus. C’est pourquoi, elle s’entoure d’un comité de spécialistes : obstétricien, pédiatre, sage-femme, psychologue, diététicienne, assistante sociale… Et qu'elle répond à un abondant courrier des lecteurs, qui devient vite un service d'aide personnalisée à part entière.
Les outils de la connaissance pour les femmes
Laurence Pernoud donne pour la première fois aux femmes les outils de la connaissance de leur maternité. Rappelons que dans les années 50-60 en Europe, les femmes enceintes ne savaient rien de ce qui se passait en elles. Le corps féminin était tabou et l’information était entièrement entre les mains de professionnels de santé. Beaucoup d’idées fausses et de croyances circulaient sur la grossesse. En donnant aux femmes une information rigoureuse, dans un langage accessible, et en replaçant la grossesse dans son contexte global, Laurence Pernoud va aider les futures mères à s’affranchir de la toute-puissance de la parole médicale. De manière plus générale, Laurence Pernoud contribue à l’émancipation des femmes qui voulaient vivre leur maternité sans la subir.
La caution d'éminents médecins
Même si la démarche de Laurence Pernoud choque certains médecins rétrogrades à la fin des années 60, d'éminents professeurs comprennent son importance et la soutiennent. Ainsi le Dr Georges Duhamel préface-t-il J'attends un enfant et le Pr Robert Debré, J'élève mon enfant. C'est avec le soutien de ce dernier que Laurence Pernoud reçoit même un prix de l'Académie de médecine en 1966, une belle reconnaissance.
Une directrice éditoriale à la rencontre des meilleurs spécialistes
Dans les années 1970, non contente de poursuivre l’aventure de ses livres, Laurence Pernoud devient aussi directrice de collection chez Stock et publie une centaine d'ouvrages qui traitent de la maternité et de la petite enfance, avec des spécialistes reconnus comme Hubert Montagner,T. Berry Brazelton, René Zazzo, qu'elle contribue à faire connaître. Elle se lie d'amitié avec Danielle Rapoport, qui vient enrichir de ses contributions les nouvelles éditions de J'élève mon enfant, sur le sujet notamment de la "bien-traitance ". De même, Laurence Pernoud est parmi les premières à rendre accessibles dans des ouvrages destinés au grand public l'esprit des travaux de D. W. Winnicot, Françoise Dolto et Jean Piaget.
A l'écoute des enfants
Très à l'écoute des enfants, Laurence Pernoud participe à la généralisation de l'idée que l'enfant est une personne à part entière. Elle évoque le "petit monde des enfants", comme un univers autonome qu'il convient de respecter. Comme le rappelle son fils Jérôme, elle s'oppose à tout dogmatisme et aux formules lapidaires comme : "Tout se joue avant 3 ans". Pour elle, chaque enfant est unique et chaque parcours de vie, singulier. C'est en acceptant cette individualisation qu'elle aide les mères à avoir confiance en elles et à déculpabiliser de vouloir exister comme mères et femmes à la fois. La qualité, le respect, la communication avec l'enfant sont au cœur des valeurs défendues par Laurence Pernoud.
Le combat pour les femmes
En 1981, Laurence Pernoud publie un livre-pamphlet, Il ne fait pas bon être mère par les temps qui courent (1981), dans lequel elle s'insurge contre la place faite aux femmes dans la société. Elle y réclame notamment la semaine de 35 heures pour les mères de famille. Cet engagement la conduira à figurer sur la liste présentée par Simone Veil aux élections européennes de 1984. Puis, elle recevra la distinction d’Officier de la Légion d’Honneur. Son combat pour la défense des mères et des enfants sera la grande histoire de sa vie. Les femmes qui commençaient à prendre leur indépendance et qui voulaient vivre une maternité heureuse ont pu faire face, grâce à ses livres notamment, à leurs responsabilités croissantes.
Coach avant l’heure
Très attachée à son rôle de transmission, Laurence Pernoud ne s'est pas contentée d'écrire des livres. Coach avant l’heure, elle a appliqué "à la lettre" son désir de faire bénéficier les mères d'un véritable accompagnement, grâce au courrier des lecteurs. Un engagement proche du dévouement parfois, tant elle prenait à cœur d'aider les mères à prendre leur envol. Avec le recul, on mesure à quel point, Laurence Pernoud aura été visionnaire sur la place des femmes dans la société moderne et sur l'évolution des principes éducatifs des enfants. "Il vaut mieux une demi-heure de qualité avec son enfant que deux heures sans écoute" avait-elle coutume de répéter. Aujourd'hui, les mamans et futures-mamans lui disent merci.