Au cours du XXIe siècle, l’accès aux soins obstétricaux hospitaliers a permis de diminuer nettement la mortalité materno-foetale. La médicalisation de l’accouchement définie comme "la prise de contrôle par l’appareil médical sur la définition et le déroulement du processus de la naissance", a ainsi fait l’objet d’un phénomène social.
Le monitorage et l'analgésie péridurale pour une médicalisation de l'accouchement
Deux méthodes ont été essentielles pour la médicalisation de l’accouchement. Depuis les années soixante :
- le monitorage de la fréquence cardiaque fœtale : il est devenu le « gold-standard » de la surveillance fœtale au cours du travail du fait de sa forte sensibilité dans le diagnostic d’un état fœtal non rassurant
- l’analgésie péridurale : elle s’est généralisée pour atteindre son état actuel d’analgésie au cours du travail de première intention.
Des accouchements aidés par les instruments
En permettant de diagnostiquer le moment où la poursuite du travail ou de l’accouchement normal devenait dangereux pour la mère ou son bébé, on a augmenté les voies d’accouchements alternatives, c’est à dire l’accouchement aidé par des instruments (forceps, ventouse, spatules) et la césarienne. De ce fait, à partir de la fin des années soixante-dix, la médicalisation de la naissance inhérente à l’obstétrique moderne a été remise en question. Dernier-né de cette remise en question : le microbiote.
Le microbiote, qu’est-ce que c’est ?
Le microbiote est le terme employé pour désigner l’ensemble des bactéries présentes à la surface de nos muqueuses. A moins de vivre dans une bulle ou dans un bain de javel, notre corps n’est en effet pas aseptisé. Entendez le terme médical du mot c’est à dire « sans bactéries ». Sur notre peau, et nos muqueuses (la peau à l’intérieur du corps : de la bouche, de l’intestin et du vagin) existent des milliards de bactéries. Attention, ce sont des bonnes bactéries, celles qui protègent par leur présence votre corps des infections des « méchantes » bactéries. C’est précisément quand on enlève ces bonnes bactéries que les soucis commencent. C’est le cas lorsqu’on prend par exemple un traitement antibiotique. Le médicament n’a pas l’intelligence de cibler la méchante bactérie dont on veut se voir débarrassé, mais toutes les bactéries y compris les bonnes. D’où les effets indésirables à type de troubles du transit : c’est parce qu’on a décimé les bonnes bactéries intestinales que d’autres pullulent à leur place et donnent des diarrhées par exemple. Autre exemple : la douche vaginale. Quand par une action mécanique on enlève les bonnes bactéries du vagin, certains champignons prennent la place laissée libre par les bonnes bactéries. D’où la mycose… Bref le macrobiote est nécessaire au bon développement.
Et la césarienne dans tout ça ?
En surfant sur la vague de l’accouchement bio, certaines études sur de petits échantillons de patientes se sont penchées sur la question des effets néfastes sur l’enfant à long terme de la césarienne. L’idée serait qu’en accouchant par césarienne, on « prive » le fœtus du passage par la muqueuse vaginale, muqueuse colonisée par de nombreuses bactéries. Ainsi le nouveau-né ne serait pas exposé aux gentilles bactéries qui vont lui permettre de bien développer son immunité, c’est à dire sa résistance aux infections. L’idée est intéressante, cela pourrait expliquer la recrudescence dans notre société moderne des pathologies immunitaires, allergiques ou endocriniennes…
Il n’a pas fallu longtemps pour certains pour se lancer dans la course aux microbiotes. Avec la création de gélules contenant des bactéries retrouvées dans les selles à prendre par voie orale, ou encore pour restituer sa flore au nouveau-né sorti par césarienne en le faisant sucer une compresse préalablement incubée dans le vagin de sa mère…
De récentes études dissocient césarienne et manque de colonisation bactérienne
Les dernières études publiées sur de plus larges échantillons de patientes et leurs bébés remettent en question les associations trouvées entre césarienne et manque de colonisation bactérienne. En effet, si l’hypothèse initiale est intéressante, il est aussi logique de penser que le nouveau-né a (heureusement) d’autres moyens de trouver son macrobiote qu’en passant par le vagin de sa mère : en tétant le sein maternel, ou le biberon qui a traîné…
Finalement, les questions posées restent intéressantes, même si elles ne sont pas étayées scientifiquement parlant. Suffisamment en tout cas pour ne pas proposer de césariennes de convenance à tout le monde, mais pas assez pour diaboliser la césarienne et justifier le « tout démédicaliser » quitte à voir augmenter la mortalité materno-fœtale qu’on avait pu contrôler.