Dès la naissance, nous sommes confrontés à des séparations. Le passage de la vie intra-utérine à extra-utérine, la première garde de son enfant par une personne extérieure à la famille, les premiers jours à l’école… sont autant de situations de séparations qui impliquent forcément une émotion. Pour vivre au mieux cette mise à distance, il est recommandé d'anticiper et de rassurer son enfant. Céline Ricignuolo, psychologue en réanimation pédiatrique à l'Hôpital Necker Enfants malades et membre de l’association Clepsydre, fournit quelques explications et recommandations.
«Les enfants sont des êtres de langage et d'émotions»
Que l’enfant soit âgé de quelques mois ou de quelques années, il est nécessaire, pour lui, de comprendre le motif d'une séparation. Les parents doivent alors revenir sur certains points cruciaux : Pourquoi une séparation ? Quel rythme pour l'enfant? Des phrases précises et concises permettront à l'enfant d'être plus à même de comprendre la situation. Selon l'âge de l'enfant, la parole aura plus ou moins de sens:
- de 0 à 3 ans : bien que le bébé ne soit pas apte à parler ou à comprendre le sens des mots, il ressent les intonations et les sonorités mais surtout l'intentionnalité de ce qui lui ai dit. Une parole rassurante et apaisante aura notamment un rôle déterminant si le bébé est né prématurément. La voix est une mélodie qui rythme bébé au quotidien.
- à partir de 3 ans : le meilleur moyen pour faire comprendre à son enfant une situation impliquant une séparation est de la lui expliquer simplement et distinctement. L’enfant ne comprendra pas forcément l'étendue de la situation, mais il sera conscient que ses repères seront bouleversés pour un temps limité.
Le rôle du parent dans la séparation
Il n'est pas forcément simple non plus pour un parent de se séparer de son enfant. Pourtant, certaines situations nous y obligent. Des larmes, un discours inquiet, un comportement surprotecteur, des câlins à répétitions peuvent déstabiliser l'enfant, déjà victime d'un manque. Pour autant nier la difficulté pour les parents de s'éloigner de son enfant serait un leurre. Ce n'est facile ni pour l'un, ni pour l'autre. Pour éviter de souffrir de cette séparation, il est préférable de:
- préparer en amont la séparation : cela implique une préparation psychologique et mentale.
- expliquer à l'enfant que la séparation, peu importe sa nature, est provisoire.
- garder son calme lors de la séparation en évitant les émotions trop vives et intenses.
Ainsi, la séparation se passera plus en douceur. Mais selon les parents et les enfants, la séparation sera différente. Un parent qui a lui-même vécu des séparations difficiles aura foncièrement du mal à se séparer de son enfant, et ceci est tout à fait naturel. Il faut donc prendre son temps.
Une notion de temps, difficile à percevoir par l'enfant
Faire comprendre à son enfant la notion de temps n'est pas aisé. Dans certaines situations, il est important de définir une temporalité précise. Une minute, une heure, un mois représentent souvent pour lui la même durée. La compréhension du temps se fait étape par étape:
- de 0 à 3 ans : il est nécessaire d'expliquer à l'enfant le déroulement de la journée. Distinguer le matin, le midi, l'après-midi et le soir aide à poser les repères temporels. Lors d'une séparation, il est préférable que le parent explique à son enfant le déroulement de la semaine de manière progressive.
- de 4 à 6 ans : l'enfant est scolarisé. Il acquiert progressivement la notion de temps en distinguant les jours d'école et ceux passés à la maison. Pour lui faire comprendre la notion du temps, notamment en cas de divorce, la méthode serait de mettre en place un petit calendrier ludique avec les jours de maman et les jours de papa. L'enfant collerait des stickers, des gommettes pour se façonner ses propres repères temporels. L'enfant n'est pas encore conscient de la temporalité, mais il sait qu'entre mardi et vendredi par exemple, il doit encore attendre mercredi, puis jeudi.
- à partir de 7 ans : l'enfant est capable de lire l'heure. Il est en mesure de comprendre le déroulement du temps sur une semaine, un mois, une année.
A chaque situation, une réponse différente
Selon les situations, l'enfant ne réagira pas forcément de la même manière selon les causes et les conséquences de la séparation. Voici donc quelques situations, accompagnées des recommandations de Céline Ricignuolo pour les vivre le mieux possible.
Le travail, première cause de séparation
La première séparation a généralement lieu lorsque la mère ou le père reprend le travail. Cela implique une nouvelle organisation, de nouvelles habitudes à mettre en place. D'autres personnes s'occuperont de l'enfant comme la nounou, la crèche, les grands-parents, le conjoint ou la conjointe. Au début, il arrive que certains enfants peinent à s'habituer : ils mangent moins, dorment mal, sont ronchons... Il est plus que nécessaire de parler avec l'enfant de la situation et lui indiquer que cette séparation est causée par le travail, mais que bientôt le parent et l'enfant seront réunis à nouveau.
Le divorce : la mise en place d'un nouveau mode de vie
Il arrive de plus en plus souvent que des parents divorcent après quelques années de vie commune. Mais comment expliquer à un bébé ou à un enfant la situation ? Bien souvent, la maman aura la garde de son petit. Comment instaurer ce nouveau mode de vie sans chambouler les repères de l'enfant ? Il est crucial de structurer son discours de manière rationnelle et simple. En agissant rapidement et efficacement, l'enfant sera à même de comprendre. Il faut donc :
- parler avec des mots simples : le fait d'expliquer la situation et d'instaurer un rythme spatio-temporel permet à l'enfant de comprendre qu'il n'est pas abandonné. Pour que le discours du parent soit le plus efficace possible, il est essentiel qu'il soit fait dans l'immédiat, sans attendre. En taisant la vérité et en évitant le dialogue, cela laisse le temps à l'enfant de s'imaginer toutes sortes d'histoires dans sa tête. Rassurez-le en lui disant des phrases comme "Maman et papa divorcent parce qu'ils ne s'aiment plus, mais ils toi ils t'aimeront toujours, et papa viendra tous les mercredis après-midis à la maison et tu le verras souvent le week end." par exemple.
- déculpabiliser l'enfant en lui expliquant que cette séparation concerne les adultes. Dans l'imaginaire d'un enfant de moins de 6 ans, il peut imaginer qu'il est coupable de cette séparation, notamment en se sentant responsable. Il doit absolument comprendre qu'il n'a aucun rôle majeur dans cette séparation.
Lors d'un divorce, il est conseillé que les parents restent en bons termes, dans la mesure du possible, pour le bien-être de l'enfant. Une mauvaise entente aggraverait la situation et serait nuisible à l'enfant.
Des vacances sans papa et maman
En colonie de vacances, chez un membre de la famille, les occasions sont nombreuses pour l'enfant de partir en vacances sans ses parents. Il gagne en autonomie. Pour que le séjour se déroule dans la joie et la bonne humeur, il est conseillé de :
- dialoguer avec l'enfant en lui expliquant la situation et les points positifs de ces vacances : rencontrer sa famille s'il part chez un proche, découvrir de nouvelles des activités, se promener dasn la nature....
- lui rappeler que ce n'est pas un abandon : l'absence des parents ne signifie pas qu'ils n'aiment plus leur enfant.
- intégrer la présence des parents qui sont absents dans le quotidien de l'enfant : lui envoyer une carte, expliquer que les parents pensent fort à lui...
- garder régulièrement contact : par téléphone, Skype... Les réactions des enfants peuvent être multiples : des pleurs, une crise ou, a contrario, un désintérêt total. Mais ils ont besoin de sentir que vous restez reliés même éloignés.
- ne pas oublier les objets indispensables pour l'enfant : le doudou, la veilleuse, ses jouets etc. Instaurer des repères affectifs et émotionnels pour l'enfant le consolera plus facilement.
Chaque enfant est unique. Chaque parent aussi. Leur séparation sera vécue de manière subjective et personnelle, mais trouver les bons mots, au moment voulu, assureront une meilleure compréhension de la situation. Et guideront petit à petit l'enfant sur le chemin de l'autonomie, qui est l'accomplissement d'une éducation réussie.