Chaque année, la scène se répète inlassablement ! Petits et grands se rassemblent devant les grilles de l'école avec, dans l'air, une tension palpable, des gorges nouées et surtout de gros chagrins. Si ces réactions sont tout à fait normales face à cette grande étape de la prise d'autonomie qu'est la rentrée en maternelle, elles pourraient, dans bien des cas, être évitées (ou du moins limitées), comme l'explique Héloïse Junier, psychologue.
Une séparation moins insurmontable qu'on ne pourrait le croire
En effet, selon la spécialiste, la séparation induite par la rentrée est loin d'être aussi difficile que se l'imaginent souvent les parents. Et pour cause : "l'arrivée à l'école maternelle est une séparation différente de celle vécue lors des premiers accueils en crèche ou chez l'assistante maternelle où l'enfant doit se détacher de ses parents", souligne-t-elle. " À l'école maternelle, la séparation se joue au niveau de ses figures d'attachement secondaires (les puéricultrices, nounous, etc.) et des petits copains".
Si la séparation est moins difficile, la perte de repères induite par la rentrée peut être plus compliquée à vivre. "Vers 2,5 / 3 ans, les petits sont très sensibles aux rituels. Ils les rassurent, leur permettent d'évoluer sereinement. Or, avec l'école, le rythme change, le temps et l'environnement d'accueil évoluent. Ce sont tous ces petits changements qui sont difficiles à gérer," continue la spécialiste. Et de rassurer les parents anxieux : "les petits accueillis en crèche sont habitués aux codes sociaux et aux rythmes collectifs, ils vivent donc généralement bien la rentrée, même si cela dépend évidemment aussi de leur personnalité, de celle des parents et de l'attachement dont ils ont pu bénéficier". Plus spécifiquement, les petits ayant eu, au cours de leurs premières années vie, une grande sécurité affective (ayant donc, selon la théorie du pédiatre américain Bowlby un attachement sécure) ont généralement plus de facilités à entrer en relation avec de nouvelles figures de référence (enseignants, etc.) et à explorer leur environnement. A contrario, les enfants à l'attachement insécure, ont tendance a être plus stressés et moins à l'aise dans un environnement nouveau.
La rentrée en maternelle : un inconfort, pas une angoisse !
Au-delà de ces spécificités, il y a une vraie bonne nouvelle pour les parents : la rentrée scolaire à l'école maternelle n'est généralement pas génératrice d'angoisse, mais plutôt d'un inconfort. L'explication ? Chez les petits, les grandes étapes sources de réelles angoisses sont passées à cet âge. "Les bébés comprennent dès 4 ou 5 mois la permanence de l'objet. Ils savent donc que quand leurs parents disparaissent, ils vont toujours réapparaître. Identiquement, ce n'est pas à le rentrée que survient une peur de l'abandon. Les enfants sont conscients qu'ils retrouvent toujours leurs parents, surtout quand le nouveau rituel du soir est mis en place. Ils se rassurent alors, au besoin, très rapidement," continue la psychologue.
Résultat : il suffit souvent d'avoir quelques réflexes adaptés pour "dédramatiser" ce grand événement et rassurer le futur petit écolier. Les pistes à creuser ?
- Lire des petits livres sur l'école pour la désacraliser. "Ces histoires donnent beaucoup de messages (intuitifs ou directs) aux enfants sur les rythmes de la journée, la séparation du matin. Ils sont extrêmement utiles', rappelle-t-elle.
- Visiter l'école en amont pour que tous les membres de la famille puissent s'y projeter.
- Eviter de parler trop tôt de l'école car "à cet âge, les enfants n'ont pas de notion de temporalité et cela peut générer des frustrations. Aborder la question ensemble un mois avant la rentrée, c'est bien," continue la spécialiste.
- Conserver, autant que possible, ses repères. En effet, l'école est déjà une révolution en soi dans son quotidien, profiter de la rentrée pour imposer des grands changements (on arrête le doudou, les trajets en poussette, etc.) est donc loin d'être une bonne idée. Mieux vaut lui assurer une certaine stabilité, quitte à échelonner les sevrages sur plusieurs semaines.
- Faire confiance à l'enfant et à ses capacités d'attachement pour tenter, en tant que parents, de déstresser. À ce sujet, Héloïse Junier est sans équivoque : "plus les parents sont cools, plus les enfants s'adapteront vite".
Et si la rentrée en maternelle était plus dure pour les parents que pour les enfants ?
C'est bien là que tout se joue : les chagrins de la rentrée ne sont pas réservés aux écoliers... Au contraire, ce sont souvent les parents qui ont des difficultés à surmonter ce qui, pour eux, relève d'un deuil nécessaire. "Avec l'école maternelle, c'est tout un travail de deuil de la petite enfance qui commence. Le bébé avec lequel on avait fusionné n'en est plus un et ne le sera plus jamais," explique la spécialiste. Un passage difficile auquel s'ajoute, pour les parents aussi, un chamboulement des repères et un lâcher-prise nécessaire."Quand leur enfant était accueilli à la crèche ou chez l'assistante maternelle, les parents étaient 'chouchoutés'. Avec les transmissions, ils savaient tout de la journée de leur petit. Avec l'école, il faut accepter une certaine perte de contrôle, de ne plus tout savoir".
Une phase de préparation est donc souvent indispensable pour les parents aussi, qu'ils se l'admettent ou non. Au programme : un petit bilan émotionnel. "Il faut commencer par se demander ce que cette rentrée évoque chez soi, essayer d'identifier une éventuelle peur et de comprendre d'où elle provient. Régler ses émotions est très important pour ne pas appréhender cette étape et vivre la rentrée en toute sérénité," conclut-elle en rappelant que les enfants sont beaucoup plus adaptables qu'on ne le soupçonne... à condition évidemment, de ne pas voir leurs parents paniquer !