Vous êtes ici

Les petits rituels des enfants à la loupe

Pouce, tétine : attention aux dents de votre enfant !

Photo : Pixabay

"Je m'en souviens comme si c'était hier. Nous marchions dans les couloirs de la maternité avec mon mari. Eloïse pleurait dans mes bras. Elle ne criait pas particulièrement fort et n'était pas particulièrement difficile à apaiser. Mais nous étions épuisés, et je lui ai dit "Toi, quand on rentre à la maison, je vais te donner une tétine !" Puis, la sucette est devenue une sorte d'extension de notre fille pendant plus de 2 ans..."  Le cas de Lise est loin d'être isolé. En attestent quelques chiffres sur les habitudes de succion des enfants : 81 % des enfants en Europe auraient ainsi au moins 1 tétine dans leurs premiers mois de vie. Et en France, les enfants ayant besoin d'un "accessoire" pour s'apaiser seraient très largement des "consommateurs" de sucette  (80 % contre 13 % au doigt et 7 % d'adeptes du doudou, du linge ou de la peluche).
 

La succion, une fonction naturelle essentielle

Si la tétine rencontre un tel succès, ce n'est pas un hasard. En effet, "les parents comme le personnel des crèches ou les assistantes maternelles tendent à la proposer très facilement dans un soucis d'apaiser l'enfant en se disant qu'elle répond à un besoin physiologique : la succion", explique le Dr. Marie-Hélène Prévé, spécialiste qualifiée en orthodontie. En théorie, ce réflexe fait sens. La succion est l'une des fonctions vitales les plus importantes du nourrisson. Développée dès la vie utérine, elle fait partie des réflexes archaïques destinés à permettre au nouveau-né de s'alimenter et de survivre. Véritable besoin, ce réflexe de succion peut aisément être apaisé par la mise au sein (voir ci-dessous). Or, avec un temps d'allaitement de plus en plus court (la moitié des femmes allaitantes ne donne pas le sein plus d'un mois) et la généralisation du biberon, ces besoins ne sont plus toujours comblés, ce qui explique in fine, le besoin d'apaisement et donc la tétine... ou le pouce que l'enfant trouve lui-même.

En pratique, le recours à la sucette n'est pas aussi louable. En effet, si elle n'est pas problématique au cours des premiers mois de vie, la tétine n'a rien à voir avec la physiologie (même si elle est parfois promue de cette manière). Et pour cause : "conditionné par ce réflexe d'apaisement, l'enfant ne pourra pas se séparer de la sucette quand il le voudra... et à long terme, cela aura une réelle incidence," continue-t-elle

Pouce ou tétine : il y a toujours des conséquences !

Le constat de la professionnelle est sans appel : le pouce comme la tétine freinent le développement des dents et de la face, même s'ils n'ont pas exactement les mêmes répercussions orthodontiques.
Ainsi, en prenant son pouce, l'enfant exerce une pression sur son palais, ce qui au bout de plusieurs mois, voire années, contribue à la déformation de l'arcade dentaire. Poussée vers l'avant, elle prend une forme "en V".

En revanche, chez les enfants habitués à la tétine, les déformations sont plus complexes. "L'usage de la tétine empêche les dents d'évoluer correctement ,car il crée une béance dans laquelle passe la langue,' rappelle le Dr. Prévé. "L'enfant continue alors de déglutir comme quand il était bébé, déformant ainsi ses maxillaires (les os formant la mâchoire supérieure, ndlr.) et faisant dévier sa mâchoire inférieure".

Pas question, pour autant, de culpabiliser les parents ! Car fort heureusement, les déformations induites par la tétine et le pouce sont souvent réversibles. La preuve : si l'arrêt se fait avant ses 15 mois, ses effets sont réversibles à 65 % . En effet, à cet âge, toutes les dents n'ont pas encore poussé, la mastication n'est pas mise en place et les enfants jouissent d'une certaine plasticité osseuse. Par contre, si la sucette est toujours d'actualité au-delà de 2 ans (et surtout au-delà de 4 ans) quand les changements dans la mastication et la déglutition sont installés, les déformations bucco-dentaires seront définitives et des soins d'orthodontie nécessaires.

Comment sevrer son enfant en douceur ?

Certes la tétine peut rassurer, mais "l'âge de 2 ans est un cap au-delà duquel elle lui fait plus de mal que de bien. Elle est comme la tablette, elle tend à plonger l'enfant dans une régression très confortable pour tout le monde, qui est en réalité une solution de très court terme. C'est donc le moment pour les parents d'accompagner le sevrage en décidant à quels horaires on la donne et quand il faut l'arrêter", insiste l'orthodontiste. Mais attention, le sevrage doit se faire en douceur et tous les enfants ne sont pas égaux devant l'arrêt ! Et de prévenir que les mesures coercitives sont généralement contre-productives, les petits mettant alors souvent en place des mesures de remplacement (en suçant leur langue par exemple). Les pistes à creuser :

  • Stimuler l'enfant, lui proposer autre chose à faire qui pourrait à la fois le valoriser (le faire se sentir grand) et lui apporter un bénéfice : une histoire, un jeu, une balade... En un mot : mettre en place une stratégie de remplacement !
  • Bannir toutes les petites habitudes qui l'encourage à sucer et en premier lieu le biberon. "Un biberon le matin à 3 ans, ce n'est pas grave", tempère-t-elle. "Mais à 4 ans, l'enfant doit prendre son petit déjeuner dans un bol car à cet âge, la déglutition est déjà mature et continuer à sucer peut engendrer certains troubles qui nécessiteraient une prise en charge chez l'orthophoniste ou le kinésithératpeute."
  • Passer un contrat avec l'enfant qui, à l'entrée à l'école maternelle, peut comprendre cet engagement. L'idée : négocier avec, lui expliquer qu'il peut prendre la tétine à l'école les premiers mois, mais qu'il devra s'en être défait pour Noël...

Et le pouce dans tout cela ?

Si remplacer la tétine par une autre stimulation est assez aisé, les parents se trouvent souvent impuissants face au pouce. Et pour cause : il est, pour ainsi dire, en libre-service... et ne peut pas être cantonné au lit ! 'L'arrêt du pouce est aussi très difficile pour les enfants. Il est un peu comme un copain qu'on aime bien, mais qui nous fait punir," conclut le Dr. Prévé. Sa solution : commencer par discuter du pouce avec son enfant pour voir s'il est prêt à arrêter, et mettre en place, au besoin, une stratégie consistant à éviter les comportements automatiques (l'enfant met le pouce à la bouche sans s'en rendre compte). Une technique, qui pour Sophia et son fils Léo, s'est avérée assez concluante... "À 8 ans, Léo suçait encore son pouce. Et même si je tentais de le rappeler à l'ordre régulièrement, il finissait toujours par y revenir, notamment quand il était très fatigué. Lors d'une consultation, notre dentiste a conseillé à Léo d'enfiler un gant d'examen en latex le soir, pour se rappeler qu'il portait le doigt à sa bouche. En quelques semaines, le problème a été réglé !".

Le saviez-vous ?

  • Les enfants nourris au sein auraient moins tendance à prendre la sucette. En effet, la tétée demande un effort de succion particulièrement important aux nourrissons. La mise au sein régulière permet donc de combler leurs besoins physiologiques de succion et ils n'auraient donc pas tendance à chercher une "complémentation" dans la sucette... contrairement aux enfants nourris au biberon.
  • La tétine, en véhiculant un certain nombre de virus et de bactéries, favorise également les infections ORL type otite. Un lavage régulier des sucettes et un rangement systématique dans leur boîte est donc très fortement conseillé pour prévenir les infections !
Journaliste spécialiste du parenting, de la beauté, du bien-être. Auteure de Mon cahier Ma grossesse et moi, Mon cahier Forme et minceur après bébé, 100 conseils essentiels : la grossesse et Petit...
Partagez cet article