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Biologique ou affectif ?

Existe-t-il un âge "idéal" pour devenir parents ?

L'âge du corps...

A 37 ans, Natacha rayonne. Elle vient d'avoir son premier enfant après une grossesse décrite par ses médecins comme tardive. Pourtant, la jeune maman n'apprécie pas le terme, pour la simple raison que pour elle, avoir un enfant plus tôt n'aurait pas été concevable. 

"Ma mère a eu son premier enfant à 22 ans. Je ne vois pas comment j'aurais pu faire comme elle. À 22 ans, je n'avais pas fini mes études, je n'avais pas de travail, je vivais en colocation et je n'étais pas indépendante financièrement". 

Comme Natacha, nombreuses sont aujourd'hui les femmes à devenir mère 'sur le tard'. Entre 1970 et 2010, l'âge de la première grossesse est ainsi passé de 24 ans à près de 30 ans. Plus surprenant encore, l'INSEE (1) annonçait il y a quelques mois, qu'une femme sur 20 ayant accouché en 2015 (5 %) avait 40 ans au moins. Si le phénomène n'est pas nouveau (notamment dans les grands épisodes d'après-guerre), il interroge : ce désir d'enfant tardif est-il compatible avec notre fameuse horloge biologique ?

D'un point de vue physiologique, la réponse serait plutôt négative. "Il ne faut pas mettre la pression aux femmes, mais il faut tout de même leur rappeler que l'âge est l'ennemi de la fertilité," tient à rappeler le Dr. Miguel Jean, praticien hospitalier dans le service de médecine de la reproduction du CHU de Nantes. En effet, si la fertilité féminine est maximale entre 25 et 30 ans, elle baisse rapidement au cours des années suivantes pour devenir presque nulle après 45 ans. L'explication: là où les hommes produisent des spermatozoïdes tous les jours, les femmes naissent avec un nombre prédéfini d'ovocytes. C'est la fameuse réserve ovarienne. Or, à partir des premières règles, l'ovulation vient puiser, à chaque cycle, dans cette réserve qui ne se renouvelle pas. De plus, avec l'âge, les ovocytes perdent en vitalité, ce qui rend évidemment la conception plus difficile.

Ajoutez à cela les facteurs environnementaux qui contribuent eux aussi à la détérioration de la fertilité (tabagisme, excès ou défaut de poids, etc.) et, on comprend plus facilement pourquoi de plus en plus de couples sont désormais accompagnés dans le cadre d'une aide médicale à la procréation (AMP). Et comme une nouvelle en demi-teinte ne vient jamais seule, au-delà de la fertilité, la grossesse tardive présente des risques non négligeables de complications (accouchement prématuré, hypertension artérielle, diabète gestationnel, etc.) (2).

... et l'âge du projet

Faudrait-il donc s'astreindre à devenir parents dans ce petit créneau physiologiquement prédéfini ? Pour Nathalie Lancelin-Huin, psychologue et spécialiste de la périnatalité, la situation est plus complexe. Et pour cause : notre capacité physique à tomber enceinte est influencée par des facteurs sociaux et sociétaux qui nous échappent souvent. "Chaque être est constitué d'une vie intérieure et d'une vie physique, qui est elle-même marquée par une empreinte sociale et historique. Si l'on peut avoir l'âge physiologique idéal d'avoir un enfant, on peut être freinée par un prisme social qui nous pousse à nous demander si c'est vraiment le bon moment. Sans compter l'influence de l'Histoire, qui avec le droit au travail, les lois sur la contraception ou autres, nous permet de retarder de plus en plus la question de la maternité."

Et quand la vie intérieure prends le relais, le projet parental devient encore plus complexe : "Il faut du temps pour accepter ces phénomènes sociaux et historiques, mais aussi les événements heureux ou non de sa vie,  pour être en couple, pour se sentir prête à la maternité," continue la psychologue. Selon le caractère et le vécu de chacune, cette démarche est alors plus ou moins longue... et plus ou moins facile.

"Je  me suis toujours dit que je ne serai pas une 'vieille mère'. Pourtant, quand je suis tombée enceinte à 30 ans, mon monde s'est écroulé. Je venais de prendre un poste à responsabilités où je subissais énormément de pression, mon couple était fragilisé. Je ne voyais pas comment, dans ces conditions, j'arriverais à rendre un enfant heureux. J'ai décidé d'interrompre ma grossesse et de recommencer quand je me sentirais vraiment prête," raconte Laure, 34 ans.

Du désir de la mère aux besoins de l'enfant

Penser au bien-être de l'enfant... Voilà aussi une question qui demande une certaine maturité. "Il faut distinguer le désir de grossesse et le désir de vie," continue Nathalie Lancelin-Huin. "On peut se sentir prête à porter un enfant, à vivre la grossesse. Mais cela n'a rien à voir avec l'expérience de parentalité, où l'on a fait le cheminement nécessaire pour accueillir et accompagner un enfant pendant des années". Et si l'on se base sur le simple épanouissement des enfants, faire un bébé tard serait plutôt une bonne chose... L'explication : non seulement les parents plus vieux auraient une situation économique plus confortable (3), mais ils seraient aussi plus aimants que les parents jeunes. Autres facteurs bénéfiques pour l'enfant dans les grossesses tardives : les mamans tendraient à vivre plus longtemps (4), seraient plus heureuses (5) et auraient, dans certains cas, de meilleures capacités cognitives (6). Mais là encore, il y a un revers à la médaille. "Si le cheminement vers la maternité permet d'être prête à accueillir un enfant à 40 ans, qu'en sera-t-il quand l'enfant aura 20 ans ? La mère aura-t-elle l'envie et la faculté à l'accompagner autant que si elle avait eu son enfant à 25 ou 30 ans ? " questionne la psychologue.

Alors finalement, quand vaut-il mieux faire un enfant ? Pour le Dr. Jean, il n'y a évidemment pas de bonne réponse. "En pratique, il est capital que les couples soient informés de l’impact de l’âge sur la fertilité. L’idée n’est surtout pas de culpabiliser les hommes et les femmes d’avoir trop tardé pour avoir un enfant mais plutôt d’insister sur le temps qui passe vite … trop vite".

Journaliste spécialiste du parenting, de la beauté, du bien-être. Auteure de Mon cahier Ma grossesse et moi, Mon cahier Forme et minceur après bébé, 100 conseils essentiels : la grossesse et Petit...
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