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Acquisition du langage

«Je parle, donc je suis» ou comment la parole vient aux bébés

un père et son grand fils se réjouissent des premiers mots du bébé

Acquisition du langage : tout commence in utero...

On réduit souvent l'apprentissage de la parole à des temps forts facilement identifiables : des premières vocalises, quelques syllabes derrière lesquelles on croit deviner un mot... Pourtant, les prémices du langage apparaissent bien avant ces premiers sons. "L'exposition à la langue maternelle in utero explique, qu'en naissant, les enfants reconnaissent non seulement la voix de leur mère, mais sont aussi sensibles à la musique de la langue," explique Pierre Hallé. "L'enfant naît équipé de certains circuits cérébraux, une sorte de précablage grâce auquel il est prêt à apprendre dès ses premiers jours. Noam Chomsky parle ainsi de grammaire universelle (1). Le bébé développe ensuite un certain nombre de paramètres, en étant exposé au système sonore de sa langue, qui vont lui permettre de régler cette grammaire".  Avant même de venir au monde, l'enfant est donc sensible à tous les contrastes phonétiques. Ce n'est que vers 12 mois qu'il se spécialise dans sa langue maternelle et se ferme à certaines distinctions inutiles dans le développement de ladite langue.

Mais les progrès du bébé en cette première année ne sauraient se résumer à de simples perceptions de contrastes. Capable de comprendre des mots spécifiques dès 4 ou 5 mois (papa, maman, son prénom), puis le langage usuel vers 10 mois, il sait également identifier que les mots entendus proviennent de différentes langues (2) et catégoriser les sons de sa langue avant d'en reconnaître les voyelles (vers 6 mois), les consonnes (vers 9 mois), les tons et la prosodie (la musique et le rythme). Des facultés qui lui serviront plus tard à découper les phrases entendues en mots, puis en "groupes prosodiques" de plus en plus fins.

Le babillage : une étape-clé de l'acquisition du langage vers 7 mois

Fort de ses premiers mois d'écoute, le bébé commence à babiller vers l'âge de 7 mois. Si le timing semble tardif, c'est que le babillage est déjà une forme d'expression à part entière : "Le bébé ne babille que lorsqu'il répète des syllabes déjà bien formées. Le babillage est une sorte d'imitation en temps différé. L'enfant stocke ce qu'il entend dans son environnement au cours des premiers mois avant d'en émettre une sorte de mimétisme. Il commence alors toujours par un babillage canonique, où il répète les mêmes syllabes ("ba-ba-ba"), avant de passer à un babillage différencié vers 9-10 mois ("ba-to")," rappelle Pierre Hallé. Une nouvelle étape est alors franchie : en babillant, le bébé émet des sons, des "patterns" qui ressemblent à la langue adulte.

Du babillage aux premiers mots entre 10 et 18 mois

Plus qu'un pas avant le premier mot ? En réalité, le passage du babillage au langage serait, selon le linguiste, assez mystérieux. "On sait que, quand le bébé babille, il acquiert une routine articulatoire qui servira de 'moule' à ses premiers mots. On sait aussi que les mots auxquels l'enfant est très fréquemment exposé, comme biberon, s'affinent petit à petit plus facilement. Mais le babillage reste très approximatif. C'est d'ailleurs souvent les parents qui, en croyant reconnaître un mot, vont encourager l'enfant à l'affiner," souligne le chercheur. Et ce passage est d'autant plus complexe que chaque enfant à sa propre façon de rentrer dans le langage. Pour imiter les mots, certains, plus "analytiques", tendent à conserver les mêmes patterns et le même nombre de syllabes. D'autres, au contraire, gardent uniquement la dernière syllabe des mots, ont tendance à simplifier les groupes de consonnes...

Malgré ces différences, les bébés se rapprochent tous peu à peu du modèle adulte et entre 10 et 18 mois, les premiers mots se forment. "Au début, l'enfant acquiert une petite dizaine, puis une vingtaine de mots. Ses codages ne sont pas très précis et ils favorisent les mots qui se prononcent de la même manière comme pain ou bain," continue Pierre Hallé. La spécificité de cette première période du langage : le bébé tend souvent à la "sur-généralisation", produit beaucoup d'homophones et utilise les mêmes sons pour décrire des objets différents. Puis, les mots deviennent plus fins. "Sous la pression de l'augmentation du vocabulaire, l'enfant doit coder les mots de manière plus efficace. Même s'il n'a pas encore la phonologie (l'agencement des sons pour former les énoncés, ndlr.) de l'adulte, son langage devient de plus en plus fin" et ce, jusqu'à l'âge de 18 mois environ.

De l'explosion du vocabulaire entre 18 et 20 mois

Entre 18 et 20 mois, l'enfant franchit une nouvelle étape dans l'acquisition du langage. Pendant cette période dite de "l'explosion lexicale"(3), il apprend de manière exponentielle, au point de dire un, voire plusieurs nouveau(x) mot(s) par jour. Très impressionnante chez certains enfants, cette phase ne doit pas pour autant faire l'objet d'une inquiétude des parents si elle se fait discrète. "L'explosion peut parfois passer totalement inaperçue quand l'enfant a commencé par produire beaucoup de premiers mots. Elle peut aussi tout à fait commencer plus tard," tempère le chercheur, rappelant par la même occasion qu'Albert Einstein a parlé... à plus de 3 ans !

...aux premières phrases dès 20 mois

Quel que soit son profil d'apprentissage, l'enfant passe ensuite assez rapidement (dès 20 mois pour certains) des mots aux phrases. Très courtes au départ ("maman partie"), elles s'allongent progressivement jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 30 mois environ. Si là encore une forte variabilité entre les enfants existe, tous suivent la même évolution. Les phrases, généralement bien construites d'un point de vue syntaxique, sont dépourvues des mots de fonction (déterminants, prépositions, etc.). L'explication de ce langage télégraphique : "L'enfant comprend la syntaxe et sait repérer les mots grammaticaux très tôt. Il sait qu'un adjectif vient après un nom, que sa langue a une métrique particulière, que 'le', 'la, ou 'les' annonce le début d'un autre mot. Par contre, ces mots ont un statut spécial et apparaîtront dans son langage plus tard, de manière générique," précise Pierre Hallé.

L'acquisition du langage, un processus naturel chez l'enfant peu influencé par la stimulation des parents

Et les parents dans tout cela ? Aussi soucieux soient-ils de l'éveil de leur enfant, ils auraient, en matière d'apprentissage de la parole, peu d'influence. "Il est important que les parents ne se mettent pas la pression," rassure-t-il. "Contrairement à la lecture et à l'écriture, l'apprentissage de la parole se fait naturellement chez l'enfant. Il est prédisposé à cela. Il suffit que l'enfant ait une exposition a minima pour commencer à apprendre. On pourrait croire que les parents ayant une approche très didactique de la parole (montrant un objet, le nommant, etc.) encouragent plus leur enfant à parler, mais il n'en est rien. Les enfants qui entendent leurs parents parler à d'autres adultes apprennent tout autant. Il suffit à l'enfant d'entendre la parole, pour qu'elle lui vienne ensuite naturellement et sans effort". Alors, pas de stress, laissez votre enfant apprendre à parler à son rythme et favorisez une atmosphère chaleureuse de dialogue entre tous les membres de la famille. 

Journaliste spécialiste du parenting, de la beauté, du bien-être. Auteure de Mon cahier Ma grossesse et moi, Mon cahier Forme et minceur après bébé, 100 conseils essentiels : la grossesse et Petit...
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